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aux admonestations prodiguées en chaire par le curé ; et, dans le silence humide des crépuscules, toujours s’entendaient la retombée sourde des pelletées et l’haleine rauque montée de leurs poitrines comme un souffle de bœufs.

Ils s’étaient pris il y a dix-huit ans, elle servante de ferme, grande fille maigre, d’une force égale de bête sommière, avec sa rugueuse chair gercée, ses mamelles plates, ses longues dents pourries par les eaux mauvaises, lui, manouvrier, les reins déjà cassés, tout démoli à chaque retour d’hiver du bourrèlement profond des rhumatismes, n’ayant connu de la vie l’un et l’autre que la corvée, la bataille pour le pain, la passivité résignée à tout, au fermier, aux intempéries, à la malchance. À dix-sept ans un gars l’avait taurelée. Jamais elle n’avait pu se rappeler comment la chose s’était faite. C’était en août, dans une chaleur de midi, à l’étable, parmi les purins ; un étourdissement l’avait roulée sous lui, à même une bottelée de luzerne ; et la douleur qu’elle avait sentie,