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apporté la bière sur ses épaules, la vieille Ka dit à ceux qui étaient présents :

« J’ai nourri mes garçons sortis de moi et je les ai vêtus. Et pareillement j’ai nourri et vêtu mes filles. À présent Nant, mon aîné, a pris mesure de ma dernière robe ; et il est bon que les enfants habillent leurs parents quand ils sont arrivés à se suffire à eux-mêmes. »

Et elle dit encore :

« Vous écrirez à Tys, votre père, que sa femme est trépassée, mais qu’il n’ait pas à hâter son retour. J’irai l’attendre sous la terre comme je l’attendais autrefois dessus. Et la terre nous sera propice, car elle fut notre mère à l’un et à l’autre. »

Ensuite la douceur des berceaux lointains passa dans les yeux de la vieille Ka ; elle étendit sur les fronts courbés le geste de la bénédiction ; et ses paupières demeurèrent ouvertes, regardant au fond des temps monter l’arbre de sa race, toujours plus haut. Ainsi tomba le soir sur cette semeuse d’hommes, de qui étaient sorties les géné-