Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

champ, quelquefois elle était obligée de retenir à deux mains ses entrailles prêtes à s’échapper, en piétinant les éclaboussures de son sang. Et elle était comme un muid de vin, après que la chaude liqueur couleur de gloire et de meurtre s’est égouttée par la chantepleure : d’abord le bon vin a coulé, puis il n’est demeuré que la lie ; et celle-ci pleure en larmes lentes, comme le pus d’une blessure. Ainsi Ka a versé sa pure substance en ses enfants ; mais, de même que la sève sort de l’écorce, quand la bêche a entaillé celle-ci, elle arrose sous elle, du reste de sa vie, la glèbe, buveuse de sang et de sueurs. Et Ka, femme de Poppel, voyant approcher son soixantième hiver, dit à ceux qui l’entouraient :

« À présent je vais à ma fin. Le jour où vous me porterez dans mon lit, ce jour-là sera le dernier pour moi. Et vous irez vers mon fils Nant et vous lui direz : « Ka, notre mère, nous a dépêchés vers vous, afin que vous mettiez en réserve le bois qui doit servir à sa bière. » Et si Tys, mon digne