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tière ! avait loué ses mamelles à des postérités rebutées de leurs génitrices et qui, racolées par l’entremise des agences, étaient venues des villes et des banlieues sucer à ses infatigables trayons la liqueur essentielle. Tant que sa race avait germé, on l’avait connue trôlant en son courtil ou vaguant par les sentes avec le double faix – en son giron bouleux – d’une paire de nourrissons lui tétant goulûment les bouteilles et qu’elle abreuvait du riche flux de sa vie, comme si tous deux lui fussent issus bessons du flanc. À ce métier, loin de maigrir, elle avait gagné l’embonpoint maladif des mères trop fécondes. C’était à présent – cette Nou – sur ses piliers cerclés de bourrelets de graisse où les bas glissaient sans pouvoir se fixer, une adipeuse et blette femelle dont le torse, sans trêve malaxé par les potes menottes des générations, ballait en des amas de chairs et de peaux, sous la flasque retombée des gibbasses effroyablement ravagées. Et devenue molle au travail, après tant de gésines et d’allaitements qui