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ment fût venu pour les vaches de vêler ; et il ne se passait pas un an de douze mois sans qu’elle portât un enfant dans son flanc et qu’elle en portât un autre entre ses mamelles. Et de cette façon, elle était devenue pareille à son champ, en qui tous les printemps la graine levait ; d’abord la terre nourrit le germe en soi ; elle accomplit l’œuvre secrète à travers les jours bons et contraires, tour à tour desséchée par les soleils arides et liquéfiée par les pluies pourrissantes ; et ni la pluie ni le soleil ne retardent la germination. De même Ka traînait ses gestations sous les lunes changeantes de la vie, par les semaines sombres et les semaines joyeuses, ne sachant pas toujours comment sustenter cette famille, prolifique à l’égal des génitures issues des bêtes domestiques. Mais aucun des deux ne tendait les mains vers le ciel, dans la tristesse et le regret de cette glèbe maternelle d’où sortaient sans répit les générations ; ils acceptaient l’avenir d’une âme tranquille, comme ils acceptaient le présent ; et ni l’un ni