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loriot siffla ses quatre notes humides et joyeuses. Oh ! comme j’étais peu de chose à côté de toi, bel oiseau divin ! J’écoutais tomber les sons comme des perles au creux d’un bassin de métal. Je n’osais plus emboucher mes pipeaux. Et, de nouveau, il chanta un peu plus loin. Alors je me mis à courir, disant : Loriot ! loriot ! ne t’en va pas, je t’en prie. Mais il volait d’arbre en arbre et moi toujours plus avant j’allais, l’écoutant et le suivant avec mes brins creux. Loriot ! moqueur loriot ! Éclat de rire du bois ! Si seulement je pouvais te dérober la première de tes notes, les autres suivraient d’elles-mêmes. Et encore une fois je soufflais avec ma bouche, cherchant le ton. L’oiseau sifflait, et tout de suite après je recommençais. À la fin, le loriot s’envola. Je ne cessais plus de l’entendre au fond de moi. Je m’obstinai ainsi pendant des heures et, à la longue, les notes arrivèrent. Alors, je m’en retournai vers le logis, fier et ravi. Je dis à Ève : « Écoute ma chanson. » Et, les pipeaux à la bouche, j’étais comme un héros qui s’est fait berger.