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blai en forme de pipeaux. Ainsi le pâtre antique était allé vers le fleuve, il avait coupé des roseaux pour charmer le troupeau. Je descendis au cœur du bois, agité d’espoir, et je n’avais rien dit à Ève. Je ne savais comment souffler dans cet instrument sonore. D’abord, je l’approchai gauchement de ma bouche en gonflant les joues ; nul son n’en sortit et puis je l’effleurai seulement des lèvres avec le vent léger de mon haleine. Maintenant, il venait faiblement une petite note aiguë et triste comme un cri blessé. Non, non, ce n’est pas la mélodie, ce n’est pas l’art encore. Je laissai glisser ma bouche de brin en brin, essayant d’autres sons, les tirant du fond de ma poitrine très doucement et ensuite avec ardeur. Ô vent de l’été, vois cet ingénu et patient musicien, ton émule ! J’étais là, avec les pipeaux aigres comme le crissement d’un fruit vert aux dents, toujours sur le point de tirer un son clair, heureux et dépité. Les ramures du bois bruissaient, la source s’égouttait et moi je ne pouvais tirer de mes flûtes que des souffles durs et brouillés. Tout à coup, un