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Nous allions ensemble cueillir des girolles, des merises et des mûres. Elles parfumaient nos mains. Avec les herbes grasses et les œufs dérobés dans les nids, elles composaient la nourriture légère de nos repas. Nous avions l’âge innocent de l’amour. Nous croyions vi­vre aux âges ingénus du monde. Et les mets sanglants n’altéraient pas le goût divin des baisers. De fluides et magiques lumières cou­raient sous bois. Il pleuvait un grésillement d’or léger à l’orée des clairières. Les feuillages palpitaient d’un long frisson ocellé. Les matins vaporeux tressaient des fils de soie et d’argent à nos cheveux. Nous écoutions chanter les oiseaux et bondir l’alerte jeu des écu­reuils. Les hôtes roux des lisières, le lapin agile, le lièvre prudent et craintif ne fuyaient plus devant nos pas. Une idylle naïve et noble nous mêlait à leurs douces existences, filles des aubes roses et des tranquilles nuits. Comme dans les fables, deux sylvains habi­tèrent le vert mystère.

Un jour, ayant taillé des brins de sureau et les ayant vidés de leur moelle, je les assem­-