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la nuit bleue du bois. Moi seul alors gardais le tremblement. Ne fut-il pas commandé à l’homme d’être toutes les formes de la connaissance pour le désir novice de l’épouse ? Chacune est une analogie avec le mystère des semailles, des labours et des moissons. La candide paysanne n’ignore pas le temps où rugit le taureau, où bêle la plaintive brebis, où s’arrondit le pis des troupeaux comme une fleur de lait. Après le vent vernal bondit par la plaine l’orageux été ; le regain de l’automne mûrit pour la grave sécurité de l’hiver ; et l’amour de la créature n’est qu’un symbole qui s’accorde aux rythmes éternels. Je vins au jardin d’Ève comme le robeur véhément des prémisses, comme le chasseur précédé de l’aboi des chiens. Mon amour altéré et roux avait la faim d’une meute. L’orgueil de la vie en ce temps criait dans mon sang lascif.

Oui, je fus bien ainsi l’homme sauvage de ma race. Cependant, avant d’avoir bu à la vigne l’ivresse rouge, si plaintivement j’avais erré par les bois comme un petit renard