Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avenues en silence. Je suis le chasseur qui, avec des flèches vermeilles, a transpercé les ombres. Un air frais d’immortalité rajeunit nos baisers. Chacun est le premier et ce que tu me donnes, tu ne me l’avais point encore donné. Tu es le pommier dans le verger et après qu’une pomme est tombée, il en naît une autre ; et je goûte le fruit vert de ta virginité. Je ne croyais pas encore l’avoir cueilli.

Ô ma chère femme, je n’aurai jamais fini de boire tout l’amour qu’il y a dans le plus léger de tes cheveux. Comme un délicat ouvrier parfile l’or d’une trame, je les prendrai l’un après l’autre à ton front ; je les appellerai par ton nom divin. Et je regarderai croître aussi la corne blanche de ton ongle à tes mains. En chacun de ces prodiges tu me renaîtras inconnue et vierge. Ainsi je lui parlais follement.

Nous partions au matin, nous n’aimions plus la maison. Le bois avait de bien plus tendres alcôves. Les hêtres velus nous versaient l’orgueil ingénu de recommencer l’hu-