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tais vibrer fiévreusement sa vie près de la mienne, dans le soir solennel et bienveillant. La palpitation de ses yeux s’avivait et s’éteignait comme la naissance et l’agonie des étoiles. Une langueur la mariait à la lune doucement nubile. Moi, j’étais là avec cette enfant comme un homme que mène une main inconnue.

Un long frisson agita la nuit. Les feuillages, en ondulant, semblèrent déployer sur nous les plis d’une tunique : nous ne fûmes plus, dans les desseins secrets de l’ombre, que deux ombres qui s’ignorent et vont vers la vie. Et j’avais cessé de voir le visage de Janille. Mais là-haut le sang vermeil des prémisses s’étancha, le jardin des roses de la fraîche virginité de la lune. Comme une jeune épouse, elle plongea froide et claire au lit du ciel. Alors de nouveau le regard malade de la vierge monta vers moi.

Nous marchâmes ainsi jusqu’à ce que nous atteignîmes le bord d’une clairière ; et là nous nous assîmes dans le tremblement bleu de la nuit. Comme la première fois, je pris ses