Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son mal d’amour, je perdis la volonté et alors elles firent le mouvement lent de s’abaisser ; elles glissèrent le long de ses bras, elles descendirent anxieusement jusqu’à ses genoux. Je sentis ainsi pour la première fois la forme vive de son corps. Et avec humilité, je lui dis : « Si tu veux dire que je n’ai pas assez pris attention à toi, je t’en demande pardon, comme je te demande pardon aussi de t’avoir amenée ici, toi jeune, auprès d’un homme solitaire, car maintenant il y a entre toi et les autres êtres cette forêt. » Ses doigts s’écartèrent ; elle cessa de pleurer, et avec ses yeux droits, posés sur les miens, elle me répondit ingénument : « Si tu avais mis plus tôt tes mains à mes genoux comme tu fais en ce moment, je ne t’aurais pas dit cette chose. » Voilà, oui, ce fut elle de nous deux qui la première osa parler selon la nature. Elle avait les prunelles limpides de la génisse regardant se mouvoir le royal époux de l’autre côté de la haie. Elle n’était pas troublée par ce qu’elle venait de dire.

J’étais là comme un gauche enfant avec son genou rond comme une pomme dans ma