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froissa les branches. Et moi, en riant, je criais follement : « Janille ! Janille ! n’espère pas m’échapper. » Mon rire n’était pas naturel et sonnait durement. Il roulait comme des palets sur le chemin. Un souffle ardent et bref me mangeait le poil aux lèvres, comme au temps de la chasse, quand la proie chaude était au bout de mon fusil. Je me lançai à travers le taillis, mais toujours il se refermait plus loin. Et maintenant Misère jappait devant moi en bondissant et tournant la tête vers les verts portiques de la forêt. Suis-moi, je te mènerai sûrement vers elle, me disait le fin museau de la bête. Moi je pensais : Cette fille ironique et froide y passera comme les autres. Mon crâne battait comme un tambour : je l’aurais prise par les cheveux et poussée sur l’herbe. Je courais près de Misère, les poings à ma poitrine. Ainsi nous atteignîmes le lieu ombragé où elle se cachait. Dès qu’elle m’aperçut, elle s’écria : « N’approchez pas, vous qui vous êtes montré si durement mon maître ! » Elle repoussa aussi Misère, disant : « Je te renie, toi qui m’as trahie ! » Elle tenait son front dans