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bouche fraîche avait soufflé sur mes yeux ; le matin commençait à s’élucider au fond de mes prunelles longtemps obscures.

Je pensai donc : « Entre toi et l’au delà de toi, il y a encore toi, comme entre l’air bleu et ta peau il y a la laine grossière de ton vêtement ». Les idées sont pareilles aux mailles d’un tissu et si l’une est défaite, toutes se défont, mais toutes tiennent ensemble et on ne sait pas où l’une commence à devenir l’autre. Si bien que, sans qu’il y eût là l’effet d’un raisonnement et plutôt par la vertu mystérieuse des analogies, cette idée en fit naître d’autres et celles-ci se lièrent comme les fils d’une texture. Un vent délicieux ondule et glisse et je ne le sens pas rouler sur ma peau. Mon corps a besoin d’air et de lumière autant que le taillis pour croître avec splendeur et à cause de cette étoffe il ne peut boire l’atmosphère vermeille. Je ne connaîtrai la vérité qu’en redevenant le petit enfant nu devant la vie.

Aussitôt je fis tomber mes habits et à présent j’étais nu comme un petit enfant. J’allais avec la caresse fluide de l’air à ma chair comme