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nous passera l’anneau vert aux doigts. Et toi aussi, ris maintenant, nature !

Ah ! je n’avais pas connu encore avant ce temps le sens sacré de la vie. Une petite main frappa au volet, mon âme sortit d’un long sommeil et dans la clarté là-bas, une voix disait : « Toute chose vivante est un aspect de mon éternité ». Cependant, j’avais tué sans joie et sans colère, la forêt saignait à mes mains. Alors j’allai tremblant avec mon cantique dans la grande église aux mosaïques fleuries, aux cierges vermeils sous la voûte des heures bleues. C’était le mois d’amour : les palombes, comme des jeunes filles au rouet, roucoulaient mélodieusement ; l’agile poursuite des écureuils avec des râles brefs tournait autour des arbres. Même le cri de l’engoulevent, du noir oiseau camus, s’épousait intermittent et frôleur dans la nuit. Une rumeur, à cause des hymens et des accordailles, comme une énorme vague traînait entre le ciel et la terre. Et j’étais une parcelle de cette vie immense, une goutte d’eau dans le torrent de l’être.

Mon cœur, dans ma joie, se gonfla comme