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cherché par la maison, j’ai appelé, personne n’a répondu » fit Janille. J’avais les yeux bas, je lui dis tristement : « Vois-tu, Janille, il y a ici un homme si étrange… » J’aurais voulu me confesser, lui prendre les mains. Mais il y avait encore trop du vieil orgueil en moi. Les mots restèrent pendus dans ma barbe. Alors elle se mit à caresser le bon Misère. « Cher chien ! dit-elle plaisamment en riant, la meule a tourné, mais sans broyer le grain. » Ainsi, avec des dents claires, elle se moquait de celui qui en vain espéra s’humilier. Moi, troublé, je regardais à présent les bourgeons de sa gorge saillir de son corsage, je pensais : tu n’aurais qu’à les toucher avec le doigt et elle connaîtrait l’amour. Elle ne s’aperçut pas que mes mains tremblaient ; mais, avec candeur, me croyant fâché, elle me dit : « Si cette bête ou moi sommes en tort vis-à-vis de toi, il faudrait au moins nous le dire franchement. » Elle me parlait avec décision, les yeux mouillés.

Le mal, chère Janille, c’est l’odeur jeune de ton corps, plus forte que toutes les essen-