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mon pas dans les herbes que son pas a foulées, » je l’aurais laissée partir. Ensuite j’aurais éclaté en sanglots ou peut-être j’aurais couru après elle dans la plaine. Mais elle avança son visage vers le mien et me dit : « Vois, je pleure et je ris parce qu’à présent je suis entre toi et lui et cependant tu as prononcé là une parole sage. Tu as fait appel à mon âme libre ; tu ne m’as pas traitée en enfant malade. En te revenant, j’ai le sentiment de te revenir par ma seule volonté. » Ainsi je compris qu’il lui était venu une vie personnelle. En allant vers l’étranger, elle eût fait preuve d’une âme libre ; mais elle préféra demeurer avec moi et cela aussi attesta qu’elle avait maintenant la possession d’elle-même. Elle n’était pas plus belle en acceptant de continuer l’existence avec moi qu’elle ne l’eût été en la recommençant avec un autre. La Beauté ne peut varier selon la raison qui la manifeste et seulement elle s’égale à elle-même, dans l’accord de la volonté avec la loi naturelle. Mais si au lieu de se réaliser, Ève eût obéi à ce qu’on appelle chez les hommes