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voir si les roses ont fleuri. » Ensuite il se mit à marcher à grands pas devant lui, nous jetant de loin un adieu sonore ; et il n’avait plus osé presser entre les siennes mes mains fraternelles.

Elle et moi, après son départ, demeurâmes donc seuls sous les arbres. « L’enfant n’était pas encore endormi, me dit-elle. Laisse-moi partir la première. Toi, reste un peu de temps encore dans cette nuit pleine d’étoiles. » Elle sembla vouloir me fuir ; sa voix n’était plus la même ; et déjà elle courait d’un pas léger vers la maison. Mais voici, maintenant elle revenait vers moi et elle ne parlait pas ; elle me prit la main et nous marchions l’un près de l’autre, avec nos âmes obscures. Je sentis qu’elle n’avait rien à me cacher et cependant elle n’osa tout de suite m’ouvrir sa peine. Il y eut un long silence ; les odeurs étaient fraîches et jeunes ; la terre mollement respirait avec des froissements doux de feuilles, avec de sourdes rumeurs amoureuses dans les nids. Et puis soudain elle s’arrêta, elle me dit, dans un grand trouble : « Vois-tu, il ne faut