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Elle joignit les mains comme dans la petite église blanche où un vieux prêtre élevait l’ostensoir ; et, ayant prié un peu de temps, elle me dit : « C’est jour de Dieu aujourd’hui. » Cette foi naïve m’émut. Des images lointaines flottèrent. Pourtant, je lui répondis avec douceur : « C’est tous les jours le jour de Dieu dans la nature. » Il y avait aussi une prière dans cette grave parole. J’avais parlé comme si Dieu me visitait et je n’avais pas pensé à Dieu avant ce jour.

Je passais des jours entiers au cœur de la futaie. Je partais au matin avec mon fusil. Quelquefois le chien me quittait et s’en retournait à la maison. Alors je restais seul, couché sur la terre ou marchant sous les arbres, et la solitude ne me pesait pas. Le bois à présent s’animait d’une présence, une âme l’habitait ; il me suffisait de savoir qu’elle peuplait les chambres de gestes utiles et chacun avait sa beauté et recommençait la vie. Je n’éprouvais pas le besoin de regagner la maison avant le soir. Ma quiétude harmonieuse coulait avec le vent, les clartés, la