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ADAM ET ÊVE

Or, rompant un jour ce pain, je dis à Ève avec un grand tremblement : « Dieu est dans ce pain comme il était dans le champ et comme il est en nous qui avons goûté de ce pain. Et Dieuest la continuité des êtres et des choses. » Ayant parlé ainsi, mes tempes craquèrent • comme si pour la première fois la vérité entrait en moi. Une joie divine m’inonda, car d’abord j’avais créé ma vie d’après moi-même et le sens qui était en moi, et ensuite j’avais créé mon Dieu d’après ma vie. J’étais sans orgueil ; j’a­ vais la simplicité de l’humble créature devant la vie. Et j’avais pris un brin d’herbe, il m’ap­ parut grand comme un chêne et cependant le chêne n’était pas plus grand que moi. Est-cè que toi, Ève, tu ne t’élevas pas. aussi dans la connaissance d’Abel le jour où, ayant tressailli, tu portas la main à ton flanc en t’écriant : « Dieu est venu ? » Oh ! de quelle voix inouïe tü me dis cela, chère femme, en témoignant ainsi que la vie t’avait visitée ! Pourtant tu ignorais encore que par une telle parole celle qui va enfanter est près du cœur de l’univers.


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