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ADAM’ET ÉVE

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Moi, au contraire, j’inclinais au débat avec moi-même. Je filtrais encore ma conscience à travers trop de méditatifs et patients calculs. La contradiction dérangeait ma stabilité. Ce­ pendant à petites fois, comme le lait se dis­ tille dans le pis, moi aussi je m’accomplissais. J’étais un autre homme meilleur, plus près de la vérité, plus près du sens de la vie. Je m’efforçais peu à peu de devenir l’homme qui se conforme à la beauté qu’il porte en soi. Là-bas, dans les villes, j’avais cru chérir mon semblable. Mais il avait trompé ma confiance et je l’avais haï ; je ne voyais pas en ce temps que moi le premier, avec mon âme hypocrite et violente, j’avais eu des torts envers lui. Ma plaie saigna longtemps. Ève, avec ses mains tendres, en referma les bords. Et puis un jour le vieillard passa, je compris que l’heure du pardon était venue. A présent Ève et moi paisiblement nous nous entretenions des destinées de l’homme. Il nous apparut heureux et enviable à travers l’isolement et la nature : les jeunes dieux du monde avaient son innocence et sa beauté. Comme nous il 15


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