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la nature. C’est pour nous que fleurissaient le pommier, le prunellier, l’églantier et l’épinevinette, et après la fleur il venait aux rameaux des rondeurs écarlates aux jus frais. De la bouche à la bouche nous nous passions leur chair fondante. J’aimais leur goût à ses lèvres : il se mêlait à l’odeur et au goût de sa vie ; et les enfants comme nous fraternellement mordaient aux mêmes fruits. Pour avoir obéi au vœu de la nature, il nous fut donné de goûter une vie légère et harmonieuse qui nous était restée inconnue au temps où nous vivions encore dans un état de fureur sauvage. Les impulsions violentes s’atténuèrent, l’âcreté du sang se lénifia ; et vivant en paix avec nous-mêmes et les bêtes autour de nous, nous jouissions de sensations innocentes et heureuses.