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vie comme un sacrifice surhumain. C’était l’agonie divine dans la douleur et la volupté, comme si vraiment je m’immolais dans le don de ma force et de mon sang mâle. Un effrayant vertige d’éternité, passait, toute la durée des races dans une seconde mortelle et délicieuse entre deux abîmes. Et j’avais cessé de vivre ; elle me tenait expiré au creux de sa molle et chaude poitrine. Et ensuite lentement je renaissais de la mort comme après l’amour il vient un petit enfant. Amour ! Amour ! es-tu autre chose que le passage de la mort à la vie et l’infinie renaissance ?

Je ne finissais pas de désirer Ève et sitôt que le nourrisson quittait son lait, elle aussi était reprise du goût de l’amour et me donnait ses beaux seins gonflés. Nous n’étions jamais las de nous aimer. L’aurore et les nuits étaient une fête autour de ses grâces. Je venais comme un jeune roi et m’enveloppais du manteau somptueux de ses cheveux. Une fois, comme Héli et Abel et Stella aussi étaient avec nous, elle déroula cette toison d’or et de soie, et de larges gouttes de pluie crépitaient