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fontaines, savoureuse et brillante à l’égal des fruits d’un verger et des fleurs d’un jardin ! Et l’odeur de vin et de phosphore montée de ses aisselles comme quand un homme s’en va vers la cuvée et aspire le moût des raisins foulés ! Elle était nue auprès de moi comme ma propre substance divisée, avec l’offre de son corps, avec le sacrifice toujours prêt de son amour, et moi continuellement je l’appelais ma vie. Et Ève était bien la vie comme la terre, les fontaines et les oiseaux. Elle faisait toute chose spontanément comme va la rivière, comme souffle le vent et comme il naît un fruit sucré à l’espalier. Elle était la vie de la nature avec le silence de ses végétaux, avec la grâce bondissante des écureuils et des chèvres, avec tout le mystère obscur et primordial qui fait que les rythmes du monde s’abrègent dans un grain de poussière animée qui ne le sait pas.

Oh ! elle demeurait si merveilleusement la petite chose primitive et divinement animale comme une pousse simple et franche au jardin de la vie ! Une volonté au fond de nous