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chair nuptiales. C’est pourquoi je te fais cette blessure. » Mes gestes se mouvaient religieux et précis. Mariant ainsi les vies vertes selon la loi de l’hymen et du sacrifice, je fus intimement avec l’âme de la terre. Et tout greffe est un symbole : il a la beauté du lingam ; il s’assimile aux fructifications chez la créature. Comme l’époux darde aux entrailles de la vierge, le rameau s’insinue aux lèvres déchirées de la plaie. Et j’appelai Ève et lui dis : « J’ai greffé ma vie sur la tienne. Je t’ai donné Héli et Abel. À présent vois, j’ai uni à cette tige sauvage une essence jeune et parfumée. » La solitude met au cœur d’étranges et solennelles paroles ; tous les hommes ne peuvent les comprendre ; mais les arbres et le ciel les entendent. Or, cette fois encore, ayant accompli cette chose simple et belle, nous célébrâmes l’événement en dansant sur un mode naïf et joyeux. Nos jeux ainsi devinrent des rites : ils se rapportaient aux labeurs quotidiens, aux actes mémorables, au bienfait des destinées. Nous fêtions la vie comme le saint devoir proposé à tous les êtres. Et