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Elle et moi quelquefois approchions notre oreille du tronc des arbres. Une vie merveilleuse chantait de la cime aux racines, le cours des sèves, la rumeur du vent, la palpitation de la terre, comme le bruit d’un fleuve. Et nous étions saisis d’une émotion religieuse. « Dieu ! » disait-elle tout bas. Je prenais ses mains dans les miennes, je courbais la tête et avec une bouche frémissante, je disais comme elle : « Dieu ! » Et seulement il nous avait apparu différemment. Nous étions alors, dans le souffle de nos lèvres, comme deux enfants très purs qui font une prière. Nous étions les premiers hommes ingénus qui regardèrent se lever la nue matinale. Il arrivait ensuite que ni l’un ni l’autre ne parlions plus ; mais le frisson divin passait en nous ; je la prenais dans mes bras ; elle me tenait dans les siens, et nous nous regardions en pleurant. Aucun de nous n’aurait pu dire pourquoi nos yeux étaient mouillés. Nos visages pâles révélaient une souffrance délicieuse. C’était surtout, le soir, sous la palpitation fiévreuse des étoiles, avec la molle