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que l’associe aux saisons, aux mois de la lune, aux métempsycoses. Des tuniques de lumière et d’ondes fluides ruissellent de ses rythmes et de ses chairs d’or. Comment ne serait-elle pas l’élue de la terre, elle qui s’égale à ses sources, à ses aurores et à ses germinations intarissables ?

Ève ne pensait ni ne parlait comme moi. Sa vie à côté de la mienne émanait personnelle et intérieure. Avec le poids lourd de sa gorge, avec ses flancs graves de brebis féconde, elle avait les gestes et l’esprit lents. C’était pour elle la même peine à dénouer ses idées qu’à démêler les touffes amples de ses cheveux. Mais l’abondance de son instinct jaillissait avec des spontanéités admirables. L’eau suit sa pente ; le saule ne redresse pas ses rameaux ; et elle écoutait en elle la nature. Elle voyait sa vie comme dans une fontaine. Son cœur battait à ses lèvres. Ainsi, dans l’élan de la grâce et du sentiment, elle était bien elle-même la femme de la nature, mobile et prompte. Et le jour a douze heures ; elles tournent et il demeure le jour. Elle ignorait les délais et se réalisait à mesure.