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que la vie ! Et ce qui s’en va revit ! Tout renaît ! Quelle pensée délicieuse ! Va, mon cœur déjà me l’avait appris avant toi ! Mon lait tarirait d’horreur s’il en était autrement ! » Avant l’enfant elle ne parlait que de la mort ; et maintenant elle était elle-même, avec son grand amour, une part vive des jours ; et elle disait là la parole suprême et divine, comme si, penchée au bord des âges, elle avait vu les grandes mains semer l’éternité.

Considérez que mon Ève n’était qu’une humble servante, mais il y a plus de sagesse dans les filles de la nature que chez les princesses et les reines. La filandre solitaire tisse avec le brouillard les belles toiles de l’automne et en songeant la femme simple tisse la trame des bonnes pensées. Un homme, lui, va aux champs ; il entre dans la forêt avec son fusil ; il gronde d’une voix farouche après les chiens. Celui-là se croit le maître et fait de l’ombre sur le chemin. Mais la tendre épouse porte ses idées neuf mois et celles-ci sont de l’amour et de la vie comme l’enfant. Elle les met au monde et le chemin s’en