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en ce temps du cri sauvage de la vie et tu n’avais pas encore senti Héli battre dans ton flanc. À présent elle portait son enfant dans ses bras comme son âme nouvelle et elle venait avec moi à petits pas tranquilles par les frais tapis et les somptueuses mosaïques de la forêt. Quelquefois elle demeurait un peu de temps dans la nuit des arbres comme une petite ombre désirable et fuyante, et ensuite elle rentrait dans le soleil toute claire de vie, avec ses cheveux ardents. Je la comparais au bel automne qui s’en va au détour du chemin et puis revient avec un jeune visage souriant par les chemins de l’été.

Nous goûtions la beauté des jours comme on savoure le dernier fruit cueilli à la treille, comme avec la langue on lappe la dernière goutte de liqueur restée au fond d’un verre. D’anxieuses splendeurs ruisselaient ; il passait des vols de feuilles d’or comme de sérieuses et nobles pensées. Jamais nous n’avions assez de regarder vibrer la vie des lumières. Elles sourdaient comme une eau de roche limpide et froide. Goutte à goutte elles fil-