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et l’enfant le long des pelouses, sous les arbres d’or ; et je dis à ma chère épouse : « La grive encore une fois a chanté, c’est comme si pour la première fois tu me donnais ton amour. » Ma voix doucement tremblait en lui parlant comme la voix d’un jeune homme novice. Et maintenant une étrange ardeur chauffait ses yeux ; sa voix aussi s’altéra comme au temps de son jeune désir. Elle me dit : « Je voudrais ne t’avoir rien donné encore afin de me donner à toi comme un fruit frais. » Je connus ainsi que son amour, avec le goût du baiser, m’était rendu. Je la courbai dans mes bras jusqu’à l’herbe, lui baisant la bouche et puis buvant la vie à ses seins blancs comme si mon tour était venu d’être son petit enfant. Le tiède et lascif automne fermentait le suc mûr des pommes ; l’homme, par de suprêmes chaleurs, alors s’associe aux moûts âcres de la nature. Or moi, l’attirant vers le bois, je l’appelai ainsi avec mes lèvres humides : « Ève, succulente Ève, le vieillard est parti vers les limites et Héli, avec ses petits poings fermés à la poitrine, dort sur les feuil-