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et le fer, selon le secret des ancêtres. Ils vivaient puissants et libres parmi leurs troupeaux, sans lois, ne connaissant pas la douleur. Ils avaient la conscience d’être un très antique peuple contemporain des prodiges ; chaque homme néanmoins était comme le premier homme vierge des âges.

L’entendant à mesure dérouler ces récits, nous les rapportions à notre propre vie. Comme les êtres primitifs, nous vivions dans les bois, œuvrant de nos mains, diligents et paisibles. Nous étions purs et nus ; un dieu visible palpitait pour nous dans les chênes et le brin d’herbe ; et notre chair et la vie nous étaient divines. Ainsi à notre tour nous avions recommencé l’humanité.

Il dit : « Je bénis mes ans lourds d’hiver puisque voici mes neiges éclaircies d’aurore. Ayant vu là-bas aux heures matinales un peuple heureux, je le retrouve ici près de cet enfant et de vous, en mes heures du soir. Et je crois n’avoir pas vieilli, parmi ces images de la jeunesse du monde. » Sa barbe trembla, une fraîche sensibilité exaltait ses clairs yeux d’en-