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dans les gazons et les répandait sur l’or frisé de ses cheveux. Ève ! délicieuse Ève ! Ici même tu m’apparus nue un jour. La clarté splendide de ta chair, en se mirant au ruisseau, alors aussi effeuilla les fleurs devant mon visage qui te regardait venir à travers le lumineux émoi de l’eau. Et à présent près de la tienne se reflète au même flot limpide une autre chair divine.

Chaque matin ensuite Ève alla avec l’enfant du côté du ruisseau ; elle le baignait au courant frais ; elle-même s’y baignait avec lui ; et puis il dormait nu sous les chênes. Il eut pour lit les écorces tièdes, les profondes nervures des racines, les plumes et les duvets de la terre. L’ombre mobile frissonna à son ventre, dessinant des palmes, des épis, des sagettes comme des signes d’investiture. Il fut, sous le jeu des feuilles, la petite chair peinte d’images de l’enfant des huttes. Le soleil baguait d’or ses mains onglées d’émail diaphane. Des gouttes de lumière tremblaient aux fossettes de ses cuisses. Il dormit le songe de la jeune substance mariée aux es-