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De loin ainsi je l’appelais. Et alors tout à coup je vis que l’enfant aussi était venu : sur le seuil Ève le tendait vers moi, les bras levés, criant : Héli ! Héli ! pour me faire entendre que c’était bien le jeune être mâle promis à notre désir des races. Un brouillard m’enveloppa ; je restai là un moment, mon cœur gonflé dans les mains, et ensuite je courus vers Ève, je lui pris l’enfant des mains, je le portai devant la lumière, bégayant sans fin : Héli ! Héli ! comme un nom prédestiné et royal. Il fut ondoyé des longs poils de ma face, ma barbe le recouvrit d’ondes d’or ; et je riais et je pleurais, ivre de jours. Ô certes ! je ressentis alors un orgueil divin comme si à mon tour j’étais haut dans la vie, comme si de mon amour était sorti un petit dieu. Mon sang pourpre coula du flot profond d’un fleuve. Je dis à Ève dans ma folie : « Le bel Été aussi est arrivé de la plaine. » Soudain le jeune cri de l’homme monta, terrible comme le miaulement du lionceau. Il s’éleva par dessus le bruit du vent et la chanson des oiseaux. Il retentit jusqu’aux limites de la fo-