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premier homme nu sous les étoiles. Ève, elle, n’avait rien dû oublier et maintenant elle était bien plus avancée que moi aux secrets de l’univers.

J’étais devant elle comme les bergers sous l’étoile. Je pensais avec un grand tremblement qu’en chaque enfant recommence l’heure inouïe des origines et qu’une vie jaillie d’une autre est toujours la première naissance. Toute parcelle de ta chair belle comme les jardins du printemps, chère Ève élue, est à présent une part de la durée du monde. Une goutte de ta vie, aux calices de l’univers, se décèle aussi précieuse que le sang des aubes. Elle suffit à racheter un peu du sang de toutes les hécatombes. Et peut-être les âmes, au secret des genèses, sont comptées comme les grains du sable et comme les eaux de la pluie. Quand une s’en va, une autre arrive qui est la même avec un visage différent. Ô croire qu’une petite âme qui fut autrefois vivante se mêla à nos lèvres nuptiales, attendant le moment de s’incarner et de recommencer la vie ! J’entendais au fond de moi