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t’en prie, chère âme éternelle, ô beauté ! sois pour moi ma légende de vie. » Son visage s’éclaira. En souriant elle me montra le berceau, et, comme l’ombre du soir tombait par la fenêtre, un reflet rose monta de l’âtre et sembla illuminer, au fond de l’obscur petit vaisseau, une aimable chair puérile. Doucement Ève remuait le berceau avec son pied. Aussitôt la maison recommença à vivre, comme si quelqu’un était venu du côté de l’Orient, avec les lumières. Les larmes heureuses coulèrent le long de mon visage. Je lui pris les mains, je m’écriai : « Ô cœur adorable d’Ève, un miracle est sorti de ton amour puisque par lui le bois inerte s’est mis à vivre et que tu m’as rendu la foi. » Ainsi du cœur vivant de la mère s’engendra la chair vivante de mon espoir. Un mythe libérateur me visita. Ma nuit séculaire vit jaillir l’Enfant-lumière qui avait soulagé la morne attente des races. Déjà, tout au fond de moi, je l’appelais mon sauveur. Des âmes revenues à la nature seules ont ces mouvements divins. Maintenant, berceau, virginal symbole de vie,