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billonnait des roues de lumière, par dessus de fabuleux jardins étoilés de fleurs de diamant. Des prismes d’arc-en-ciel s’effritaient ; de célestes reflets azuraient et satinaient la neige à l’ombre. Ève, rose et frissonnante devant ces miracles, s’écria : « Vois, c’est le printemps. » Oh ! comme doucement cela sonna à nos oreilles ! Comme soudain nos cœurs furent remplis de vie et d’espoir ! Ce fut le songe d’un printemps où neigent les lilas et les aubépines, un délice surnaturel d’aériennes images, un mystère religieux et nuptial où la terre, à petits pas vierges d’épousée, se dédie au roi Hiver ! Et déjà sous les neiges, comme l’enfant en ton flanc, Ève, sourdement tressaillait le bel Eté, ivre de se délivrer. La mort encore une fois fut vaincue. Je tenais Ève toute pâle dans mes bras et je croyais étreindre l’harmonieuse nature.

D’ardentes roses saignèrent dans les soirs. Une pourpre violette teignait les neiges violées, comme aux draps de l’hymen la blessure sacrée et le vin écarlate de la vie. Ô pompe solennelle et furtive d’un jour d’hiver qui s’en va dans