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avec des verrous. La rafale sous les joints blutait une neige fine comme la bordure fleurie d’un jardin. Et il était venu d’humbles petits oiseaux qui n’avaient pu émigrer. La pomme de pin par tas craquait et fusait dans l’âtre. Toute la vie de la forêt sembla s’être recueillie sous le vieux toit auprès de notre joie solitaire, perdue dans la tourmente des frimas. Avec des peaux velues de bêtes, raclées et tannées, j’avais fait des chaussures pour les pieds d’Ève. Nous étions comme un couple antique, terré au chaud de la hutte. Cependant j’avais connu le tiède hiver des villes. Mes membres douillets alors frissonnaient sous les fourrures. Et voilà, je quittais à présent le lit d’amour, je me roulais nu parmi la neige et une force merveilleuse ensuite se répandait dans mes os. L’ardent été ne cesse pas de brûler dans les métaux et les phosphores du sang. J’admirais la beauté de ma vie.

Or, un jour, Ève me dit en pleurant : « Qu’as-tu fait, cher Adam ? Je sens l’enfant remuer et il n’y a ici encore ni le berceau ni la huche. » Je restai troublé par cette grave