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la tuyère dans la forge. Et même le chardon file son étoupe, la ronce épineuse, en mûrissant pour le chemineau altéré, ne demeure pas inutile. Moi, je suis le pauvre charpentier comme Joseph de Nazareth ; je ne possède ni équerre ni compas ; je combine et j’ajuste en me fiant à mon œil et à mes doigts. Et quand le soir tombe, je regarde mon œuvre, je ne la trouve pas sans beauté. Déjà je pense à la crèche et Jésus n’est pas venu encore.

Je ne me presse pas, je prends exemple sur l’arbre et sur le fruit des arbres. Il arrive un temps où, autour de la moelle vive, l’aubier concentriquement élargit ses anneaux, où la pomme sauvage, nourrie de soleil et de pluie, a fini d’arrondir sa chair vermeille. Une année s’ajoute à une autre et l’automne, émailleur ponctuel, paraît après l’ardent été. Ainsi un pied aussi va devant l’autre afin de s’assurer la bienveillance du chemin et mon calme esprit sans hâte jusqu’au bout de la planche suit l’allée de l’informe rabot et revient avec son retour.

Ève, au temps de la lune, se plaint bien