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que les autres oiseaux. Elle arrive après l’été quand déjà les fruits sont mûrs. Elle siffle un air mélancolique comme la pluie grise. Et ensuite elle s’en va avec sa petite chanson tournoyante aux dernières feuilles. Jamais celle-ci ne s’en est allée de nous. Notre amour est resté le sorbier aux baies rouges où il chanta son premier chant.

Cependant, chère femme, si en ce temps, au lieu d’être venus l’un vers l’autre par le chemin des petites fraises sauvages, nous nous étions connus dans les villes, ce symbole n’eût point éternisé le don mutuel de nos vies. Une petite voix d’oiseau, si humble soit-elle, suffit à remplir le ciel. Et chaque oiseau vient à son heure, mais un seul ne cesse pas de chanter si on l’écoute avec simplicité et qu’on entend ce qu’il veut dire. Toi là-bas chez les hommes tu n’aurais pas été Ève ; et Adam ne serait pas venu par la forêt. Tes petits seins dans mes mains auraient fleuri un été et puis se seraient desséchés.