Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prenais ses petits seins dans mes mains, elle cacha sa tête dans mon épaule. « Vois-tu, maintenant, c’est un autre mal plus délicieux que l’autre fois que tu m’as prise ! » Je ne savais ce qu’elle voulait dire. De quel mal parles-tu, chère Ève ? Mes mains sont douces comme celles de l’oiseleur qui en sifflant captive les oiseaux et à peine j’ai effleuré les pointes de ta gorge. Je n’ai pu te faire mal, « Oh ! dit-elle, c’est comme si mon âme me quittait. Souvent tu me parlas de l’amour, mais la grive n’avait pas chanté. Moi aussi à présent… » Son souffle expira. Longuement elle palpita, brûlante et rose, dans ma poitrine. Je croyais voir s’avancer à pas vermeils le jour sous bois. Toutes les corbeilles de l’orient s’effeuillèrent. Avec l’émoi pourpre de son sang elle ressembla à un jardin de roses tombées du ciel. Et maintenant la pudeur avec l’amour était née, l’effroi vierge de l’âme qui s’est donnée nue. Ève n’avait pas rougi quand j’avais défait son corsage sous la lune.

Amie ! amie ! amie ! tu n’osas pas dire jusqu’au bout la parole terrible ! Ton âme vint