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mes doigts ; tu me l’apportais toi-même, frémissante et gonflée, et tu ne connaissais pas la pudeur. L’offre de ta chair était simple et naturelle comme ta vie même en toi ; elle était pareille à la soif et à la faim éternelles. Ta robe tombait et tu ne savais pas que tu étais nue dans mes mains. Cependant tu ne m’avais pas dit encore le mot d’amour, comme si la beauté de ta gorge et de ton ventre n’était rien à côté d’une beauté plus grande cachée en toi. J’étais venu au matin dans le verger. J’étais monté dans l’arbre et j’avais cueilli le fruit chaud de l’amour. Ta chair avait reconnu la mienne. Mais une pomme tombe de la branche et ensuite la sève monte, il naît d’autres pommes pour d’autres soifs tant qu’on n’a pas édifié la clôture. Et la vierge ne dit pas tout de suite la parole qui dresse autour d’elle la barrière. Elle desserre les genoux et elle n’est qu’à demi éveillée, et il y a tout au fond d’elle un verger plus délicieux que la virginité de son flanc et qu’elle ignore. Moi, chère Ève, je te parlais de mon amour comme quelqu’un qui déjà connaissait l’amour. Mais toi, tu m’avais