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sait en claires spirales d’encens. Un geai aigrement criait, on entendait le grêle hennissement du pivert, les mésanges à leur tour sifflaient. Et nous allions, avec le vent frais de nos haleines à nos bouches, grisés par les afflux de la sève mûre, regardant s’éveiller à travers le brouillard le vent léger et jeune des clairières. Nous seuls, dans la clarté toujours plus haute, étions encore la nuit.

La douce forêt qui avait bercé notre amour ainsi en nous réveilla la clameur sauvage des ancêtres. Le soleil se leva et se coucha rouge de sang. Nous n’étions jamais las de tuer. La claire après-midi déclinait. Le bois, dans l’air lisse de la fin de l’été, avec ses silences d’arbres estompés par le glauque et transparent crépuscule, avait des dessous d’eau dormante, de délicieux évanouissements limpides. Nos massacres au pied des chênes mûrissaient pour la pourriture.

Un jour que nous étions allés en chasse, le chien partit devant nous en jappant étrangement. Un peu de temps nous l’entendîmes courir sous bois et puis très loin il se mit à