Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intime et fraternel plaisir et au contraire lui avait été tragiquement assigné pour satisfaire sa voracité et ses fureurs.

Alerte ! La plume brillante du faisan bat dans le fourré, le lièvre roux bondit du fossé. Je connais les gîtes du lapin et les aériens sentiers de l’écureuil. Et un matin, des foulées m’annoncèrent le passage du chevreuil. Au bois ! Ève ! au bois ! Elle-même à présent me prenait le fusil des mains et Misère allait devant nous, en flairant et remuant la queue. Nous ignorions encore la joie pure du pain pétri avec des mains bienveillantes.

Les bêtes pourtant si doucement étaient venues à nous, au temps de l’innocent amour ! Maintenant elles fuyaient, leur ruse pour nous échapper s’égalait à la nôtre.

Un cœur simple et religieux ne fait pas de différence entre les oiseaux et la forêt ni entre les arbres solennels et la créature ; et tous ensemble sont la vie vénérable. Mais nous avions perdu la simplicité : le vin orageux de la vie nous était monté à la tête. Deux êtres ardents et roux s’en allèrent avec