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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


IDYLLE




Ta beauté radieuse illuminait mon rêve.
Des flûtes et des chants résonnaient sur la grève ;
Les pins embaumaient l’air de leur vive senteur ;
Et des couples erraient avec grâce et lenteur
À travers les bosquets mystérieux de l’île.
Que cette après-midi fut joyeuse et tranquille !
Tandis qu’une mer bleue aux flots étincelants
Mouillait mon front d’écume et baisait tes pieds blancs,
Non loin de nous, l’essaim des Dryades légères
Dansait pudiquement dans les hautes fougères.
Couché sur le rivage et regardant tes yeux,
Je laissais mon amour pur et silencieux
S’élever jusqu’à toi pendant ces heures saintes.
Tes cheveux, couronnés de grappes de jacinthes,
D’un flot brillant et noir baignaient ton cou neigeux.
Bercée au bruit lointain des chansons et des jeux,
Ton âme apparaissait dans ton vague sourire ;
Et les flûtes mêlaient aux accords de la lyre
D’harmonieux sanglots et des plaintes d’amour.
Tu me l’abandonnais, ton âme, sans retour ;
Et mes profonds désirs perdaient leur violence,
Car je pouvais baiser le virginal silence
Des lèvres qui m’avaient tenté cruellement.
Les saphirs de la mer et le beau ciel clément
Rayonnaient au soleil immortel de la Grèce ;
De longs soupirs passaient dans l’air plein de tendresse ;
La soutïrance et le mal nous étaient inconnus,
Et moi, comme la mer, je baisais tes pieds nus.