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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Oh ! quand la sombre nuit apparaît et déploie
Ses ailes, lentement comme un oiseau sauvage,
Moi, mon âme s’éveille, — et ma plus grande joie
Est d’écouter rouler les galets sur la plage.

Tout est si beau, mes yeux s’emplissent d’un tel rêve !
L’Océan monstrueux me donne le vertige ;
La lune, que le flot fait danser et soulève,
Semble une fleur des eaux qui tourne sur sa tige.


(Poèmes de l’Amour et de la Mer)





SONNET




Si, comme je l’espère et comme tu le dis,
Dans cette lourde chair souffre une âme immortelle,
Au sortir de mon corps se délassera-t-elle
Sous les magnolias d’un calme paradis ?

Goûtera-t-elle en paix, loin des brûlants midis,
Au bord d’un fleuve heureux qui mouillera son aile,
La fraîcheur d’une eau vive et d’une ombre éternelle,
Sur des tapis de fleurs par les sylphes ourdis ?

Pourrai-je, sans douleur, revivre et me connaître ?
Sentirai-je en rêvant se mêler à mon être
La musique de l’eau, des feuilles et du ciel ?

Serai-je toujours moi, comme tu me l’assures,
Sans que le souvenir persistant et cruel
Dans ce qui fut mon cœur imprime ses morsures ?


(L’Aurore)