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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Et ces marbres, cachés sous le rideau des branches,
Animent le jardin de vagues formes blanches
ie l’on voit disparaître et briller tour à tour.

Parterres et bosquets, d’une flore inconnue
S’émaillent, comme pour fêter ta bienvenue,
Ô Sœur de l’Idéal, ô Reine de Beauté !
Citronniers verts, mêlant les fleurs aux pommes mûres,
Et myrtes, que le vent emplit de longs murmures,
Embaument à l’envi la tiède nuit d’été...

Et c’est une féerie immortelle et charmante ;
Le rossignol, berceur ému de l’eau dormante,
Dans l’ombre, égrène au loin son chant délicieux.
L’âme des blancs jasmins monte jusqu’aux étoiles,
La lune au front d’argent a percé tous les voiles :
Partout même splendeur, sur terre et dans les cieux.

Ce Jardin est celui de ma jeune Pensée,
Dont vous êtes la chère Amie et Fiancée,
Que vous seule inspirez, et qui vous appartient.
Sans vous ma vie obscure hésite et tremble toute,
Il me faut vos regards pour voir clair sur ma route,
À mon bras, pour lutter, il faut votre soutien !

Ce jardin autrefois était morne et livide,
Vide comme un désert sous l’ennui du ciel vide,
Sans bouquets ni rayons, sans espoir ni bonheur ;
Et si parfois quelqu’un s’y promenait dans l’ombre,
De quelque rêve mort c’était le spectre sombre,
Comme Hamlet en put voir au palais d’Elseneur.

Mais l’avril a paru, car vous êtes venue,
Belle comme l’aurore et comme elle ingénue ;
Le printemps s’est levé sur le triste désert.