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VICTOR BILLAUD.


EN BATEAU




Le rivage est bordé de fleurs et d’arbrisseaux,
Et le soleil tamise à travers le feuillage
Ses rayons adoucis sur le riant visage
De jeunes promeneurs oubliés sur les eaux.

N’ayant point à subir la loi de son rameur
La nacelle descend la rivière en dérive,
Mirant ses filets verts et rouges dans l’eau vive,
Sous la branche du vergne ou du saule pleureur.

Encore tout empreint des baisers de l’hymen,
Le visage incarnat de la blonde charmeuse
A l’exquise douceur de ces enfants qu’à Greuze
L’Aurore dut montrer quelque jour dans l’Éden.

Et quand vit-on jamais l’éclair d’aussi beaux yeux
Plonger dans le miroir de ces sources profondes,
Depuis les temps lointains où les nymphes des ondes
Enchaînaient à leurs bords les faunes amoureux ?

Un mirage prochain se montre aux deux époux,
Un sourire a passé sur leurs lèvres mi-closes,
Ils ont vu dans un rêve un enfant sur des roses
Et se montrent des yeux les nymphéas jaloux.

On entend leurs soupirs, et la brise des eaux,
Agitant doucement leur fine chevelure,
Y trouve des parfums qu’aussitôt la nature
Aspire pour ses fleurs à travers les roseaux.