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RODOLPHE DARZENS.


Puis, je sais que les deuils extérieurs et vains
Ne valent pas la vision sans violence
Que mes yeux clos contemplent en ces soirs divins :

Des cygnes noirs glissant sur un lac de silence.





LA VOILE




Mon Âme, quel ennui de demeurer tranquille !
Je suis las d’admirer un même océan bleu ;
Si nous tentions d’atteindre aux plages de quelque île
Là-bas, au large, afin de voyager un peu ?

N’es-tu pas une voile blanche de navire,
Ô mon Âme ? Il se lève enfin un bon espoir !
Et son souffle pourrait peut-être nous suffire
Pour parvenir au port avant la peur du soir.

Le calme, dont le doux bercement nous invite
À rester, est trompeur comme l’eau de la mer,
Et, si tu veux partir, ô mon Âme, profite
Du léger vent qui nous présage un ciel moins clair.

Vers d’autres horizons, vers ces îles lointaines
Dont la verdure émerge aux limites des deux,
Sur l’avenir et ses promesses incertaines
Mettons le cap, mon Âme, avec des cris joyeux !