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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Les vierges à présent, mortes ou possédées,
Sont loin ! bien loin ! L’espoir est tombé de nos cœurs,
Telles d’un arbre mort les branches émondées.

Et l’Ombre, et les Regrets, et l’Oubli sont vainqueurs.


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À travers les iris et les joncs, Ophélie
Abandonne son âme aux murmures berceurs
Du fleuve seul témoin de sa mélancolie.

Et voici qu’au fond des verdâtres épaisseurs
Tintent confusément des harpes cristallines
Attirantes avec leurs rythmes obsesseurs.

L’or diffus du soleil empourpre les collines
Par delà le château d’Elseneur et les tours
Qu’assombrissent déjà les Ténèbres félines.

La Nuit féline dans sa robe de velours
Berce les eaux, les vals profonds et les ciels mornes,
Et des saules noueux estompe les contours.

Et les nuages roux du ponant sont des mornes
Où grimpent, lance au poing, d’atroces cavaliers
Éperonnant le vol furieux des licornes.

Or, la Dame qui rêve aux serments oubliés
Marmonne un virelai très ancien. La démence
Élargit sur son front les deuils multipliés.

Fleurs sur fleurs ! Des sanglots éteignent sa romance,
Tandis que, les cheveux couronnés de jasmin,
Elle s’incline vers les joncs du Fleuve immense.