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PAUL MARROT.

Et comme à son insu, son voile esc ajusté
De la façon qui va le mieux à sa beauté.

Ah ! qu’alors, ah ! qu’il entre, ayant rompu l’attache,
Qu’il entre, mon vieux chien, tout boueux, et qu’il tache
Ce deuil-là ! Qu’il renverse et roule les flambeaux
Par terre ; et qu’au milieu des bouquets en lambeaux
Il pousse, en appuyant sa gueule sur ma bouche,
Dans ma barbe roidie un aboiement farouche !

(Le Livre des Chaînes)


L’ÂGE DE PIERRE


Pierres, silex taillés, couteaux mystérieux,
Je ne puis sans émoi vous contempler ; vous dûtes,
Dans la férocité primitive des luttes,
Souvent frémir au poing crispé de nos aïeux !

Si l’homme, recouvert de peaux mal ajustées,
N’a pas vagi, rampant, inutile et perclus,
Et, serrant sa femelle entre ses bras velus,
Étouffé dans les flancs les futures portées,

C’est que vous avez bien gardé sa nudité,
Ô pierres ! Façonnant votre structure rêche,
La hache en main, dans la nature il fit sa brèche,
Et, tout saignant, sortit de l’animalité.

Un choc, et vous donniez l’essor à la lumière ;
Vous avez réchauffé nos membres, ô cailloux !
L’âme du bon soleil était figée en vous,
Elle en sortit avec l’étincelle première.